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La Dame de Saint-Germain-la-Rivière : une sépulture paléolithique unique dans le Fronsadais

  • CBA
  • 19 août
  • 3 min de lecture
Inhumation de la Dame de Sain-Germain-la-Rivière


Au cœur du vignoble bordelais, sur la commune de Saint-Germain-la-Rivière (Gironde), se cache un site archéologique qui bouleverse notre vision des sociétés préhistoriques. C’est là, sous un abri rocheux surplombant la Dordogne, qu’a été découverte en 1934 la sépulture de celle que l’on nomme aujourd’hui la Dame de Saint-Germain-la-Rivière, datée du Magdalénien moyen, il y a environ 15 800 ans.


Une découverte majeure de la préhistoire girondine


Le squelette, identifié comme celui d’une jeune femme adulte, reposait sur le côté gauche, les jambes repliées, sous une structure composée de dalles calcaires. Le corps avait été recouvert de sédiment et saupoudré d’ocre rouge, un pigment fréquemment utilisé dans les rites funéraires paléolithiques.


Squelette de la Dame de Saint-Germain-la-Rivière, sépulture paléolithique du Fronsadais, avec traces d’ocre rouge sur les ossements.
Traces d'ocre rouge sur le crâne

Cette sépulture se distingue par la présence d’un mobilier funéraire exceptionnel, comprenant :


  • Deux poignards en bois de cervidé,

  • Une côte de cerf perforée, interprétée comme un passe-lien,

  • Un ensemble lithique riche : burins, grattoirs, lames, lamelles à dos, nucléus,

  • Des parures spectaculaires : plus de 70 dents de cervidés perforées, formant probablement un collier, des coquillages marins (Trivia, Cypraea) importés de l’Atlantique ou de la Méditerranée, et surtout la plus grande collection connue de craches de cerf (canines inférieures), alors que cette espèce était extrêmement rare dans la région à l’époque.


L’ensemble était recouvert d’ocre et accompagné de restes fauniques (crânes et bois de cervidés, fragments de chevaux et de bisons), interprétés par certains comme des dépôts rituels liés à la sépulture.


Parure en craches de cerf perforées, découverte dans la sépulture paléolithique de la Dame de Saint-Germain-la-Rivière (Fronsadais).
Parure en craches de cerf

Une sépulture et ses interprétations


Dès sa découverte, la richesse de ce mobilier frappa les chercheurs. Pour l’abbé Blanchard, l’un des fouilleurs, la défunte devait être une personnalité « vénérée par sa tribu ».

Les travaux plus récents de Marian Vanhaeren et Francesco d’Errico (2003) ont approfondi cette hypothèse :


  • la parure témoigne de centaines d’heures de travail pour le ramassage, la perforation et l’assemblage des ornements ;

  • la rareté des matériaux (craches de cerf, coquillages marins) suggère l’existence de réseaux d’échanges à longue distance ;

  • le caractère ostentatoire de cet investissement symbolique pourrait refléter l’appartenance de la défunte à un lignage distinctif ou à un groupe disposant d’un statut particulier.


Dans cette perspective, la Dame de Saint-Germain-la-Rivière pourrait constituer un indice de l’émergence de formes de stratification sociale dès le Paléolithique supérieur, bien avant les sociétés agricoles.


Un débat toujours ouvert


Cependant, l’interprétation sociale de cette sépulture fait débat. Comme le soulignent Dominique Henry-Gambier et Bruno Boulestin (2021), il reste extrêmement délicat d’associer la richesse du mobilier funéraire à l’existence d’une véritable hiérarchie sociale :


  • Les objets déposés dans une tombe ne reflètent pas forcément une richesse ou un statut, mais peuvent relever de traditions symboliques ou rituelles.

  • Les comparaisons entre sépultures de différentes régions ou époques sont risquées : chaque contexte archéologique possède sa propre logique.

  • Enfin, la conservation différentielle des sites et la documentation parfois lacunaire des fouilles anciennes limitent nos certitudes.


Ainsi, si la Dame de Saint-Germain-la-Rivière témoigne sans conteste d’une attention particulière et d’un rituel funéraire élaboré, il reste difficile de conclure de façon définitive à l’existence d’inégalités sociales structurées au Magdalénien.


Héritage scientifique et patrimonial


Aujourd’hui, les restes et le mobilier de la Dame de Saint-Germain-la-Rivière sont conservés au Musée national de Préhistoire des Eyzies. Ce site girondin demeure l’un des rares témoins d’inhumations complexes du Paléolithique supérieur en Europe occidentale.

Au-delà de la fascination qu’elle exerce, cette sépulture illustre la richesse symbolique, technique et sociale des sociétés de chasseurs-cueilleurs du Magdalénien, et continue d’alimenter un débat passionnant sur l’origine des inégalités et hiérarchies sociales dans la préhistoire.


Un espace d’information consacré à la découverte et à son contexte archéologique existe aujourd’hui sur le site même de Saint-Germain-la-Rivière.


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